La fois du bois.

« R’garde ben mon p’tit boutte. R’garde au bout de mon doigt, le vois-tu? Faut pas bouger par exemple, sinon y va se sauver. Oooppps! Y a plongé! As-tu vu?!» Émoi, surprise, yeux ronds comme des 2 piasses.

Automne 2011. Mon père et mon aîné (qui a alors 3 ans) observent les castors qui ont élu domicile sur un des points d’eau des terres du paternel. Une lueur dans mes yeux en les regardant, je trouve fiston chanceux. Des souvenirs de bois, quelle richesse.

Petite fille de pourvoyeur, fille de chasseur, pêcheur et reboiseur notoire, la forêt, je l’ai dans le sang.

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Le jour où j’ai voulu être une Superwoman (ou le Jour de la marmotte)

L’oeil à peine ouvert, aussitôt envolées les dernières images d’un rêve déjà dissous, le petit rongeur dans ma tête s’active. Pas un adepte du yoga, l’animal. Il donne plutôt dans le triathlon. Impossible de paresser au lit. Let the show begin. À moi la mission de sauver l’humanité de mon foyer. SuperCath à la rescousse!

Deux coups de brosse à dents et un élastique à cheveux plus tard, je dévale l’escalier. Une gaufre, un yogourt pour grand garçon, un smoothie pour moi. Déjeuner parfait pour héroïne pressée. Un repas qui se boit et qui donne bonne conscience, parlez-moi d’une belle invention. Trouver un pantalon pas trop fripé dans le tiroir et hop, un t-shirt et un bas à l’envers plus tard, le grand est mené chez sa perle d’éducatrice. Première mission accomplie! El Bambino sort de sa torpeur nocturne, il veut sa part de smoothie.

D’une main, j’attrape au passage un panier à linge avant de m’enfarger dedans, tenant de l’autre une boîte de couches surdimensionnée (Non, je ne suis pas adepte de la couche lavable. Oui, je pollue. Je sais, je vous déçois.), boîte, disais-je, achetée la veille, à l’heure où les deux marmots viennent de sombrer dans le sommeil et que j’ai enfin du temps à moi. Activité par excellence de mes soirées: une virée enlevante à la pharmacie. Exutoire béni. Moment d’une rare intensité émotive où la simple vue de mon reflet dans un miroir éclairé au néon cru me donne, au choix: a) la nausée; b) envie d’acheter un stock de cache-cernes pour l’année; c) le goût de brailler.

La journée est truffée d’une ribambelle de trucs en «el» et en «age»: courriels, lavage, pliage, appels, ménage. Ai-je oublié de m’habiller? Je pense que oui. De dîner? Probablement. De respirer? Assurément. Une marche obligée pour faire dormir El Bambino, qui vit une de ces journées où même un film polonais en noir en blanc n’arriverait pas à l’assoupir. Mais il a de si beaux yeux, cet enfant, on lui pardonne de les garder ouverts.

En route, j’accomplis quantité d’autres missions, comme bâtir le menu de la semaine dans ma tête, apprendre un texte d’audition pour une série et demander à la voisine si elle peut me dépanner en gardant la meute, le temps d’aller faire couvrir le gris de ma tignasse.

Pas sitôt revenu de la garderie, l’aîné réclame sa collation, et ce dans la minute, alors que déborde l’eau bouillante des pâtes et que pleure d’épuisement El Bambino. (Pas de sieste, vous vous souvenez?) Est-ce que j’ai l’air d’une pieuvre? Ouiii! fait mon grand, amusé. Pas si loin de la vérité. Il a affaire à une maman bricoleuse, ménagère, cuisinière, lavandière, commissionnaire, jardinière, amoureuse, infirmière, sans oublier couturière et… comédienne. Ma foi, j’allais l’oublier!

Le reste est connu; souper, vaisselle, casse-tête, gestion de crise, bain, histoire, dodo et… patate de sofa. Puisque c’est à peu près la seule énergie qu’il me reste: celle que j’emploierai à manipuler la zapette.

Marathonienne du quotidien. Je gagnerais bien une médaille à ce sport, tiens. À bien y penser, ceci n’est pas le récit du jour où j’ai voulu être une superwoman. C’est comme ça tous les jours. Et j’aime bien cette vie-là. Je ne la changerais pas. Je suis une super-maman pas parfaite qui fait ce qu’elle peut. Essoufflements compris. Dernière tâche du jour? Bien suspendre ma cape de superhéroïne sur un cintre pour éviter les faux plis. Mais surtout parce que le repassage, je déteste ça.


 

Article déjà paru dans le Coup de Pouce de mars 2013

La liste de mes envies

Toujours un peu en retard sur les tendances, je viens à peine de terminer la lecture de ce joli roman qu’est La Liste de mes envies, de Grégoire Delacourt. L’incroyable histoire de Jocelyne Guerbette, qui a soudain la chance de pouvoir s’offrir tout ce qu’elle désire, a jeté dans mon esprit des désirs aussi…

Bien humblement, voici une partie de ma liste à moi, vous enjoignant de faire de même, si le coeur vous en dit. Ça ne coûte rien… et ça fait un bien fou! Voilà mes envies, en vrac, si moyens et temps m’étaient donnés, avec un brin de ma touche, quand même!

  • Acheter une maison face à la mer avec une véranda. Comme dans mes souvenirs de vacances d’enfance à la mer. Moins la jetée graisseuse et bruyante.
  • Faire construire sur la façade de ma maison un balcon qui tourne le coin et se poursuit sur le côté. Pour regarder le quotidien passer.
  • M’acheter une décapotable. Rien d’extravagant ou de très cher, juste une décapotable. Brûlure au nez et otite comprises.
  • Amener mon aîné à New York pour une vacance de «grand». Semer en lui une graine pour qu’il ait un besoin viscéral de s’y rendre chaque année, pour le reste de ses jours.
  • Aller voir un spectacle de théâtre par semaine. Gros contrat.
  • Confier ma cuisine à un chef privé. Disons une semaine par mois. Parce que, tout de même, cuisiner, j’aime ça. Mais une pause de «faire à manger», j’haïrais pas ça de temps en temps.
  • Graceland. Parce qu’Elvis vivra toujours dans mon coeur, malgré tous les acariens de son tapis mur à mur et ses lampes laides à clin-clans.
  • M’acheter un banjo et apprendre à en jouer. Dire que j’ai déjà su…
  • Me payer des cours de chant. Oui. oui, je chante juste. J’ai pas dit «bien», j’ai dit «juste».
  • Manger bio. On ne peut pas être contre la vertu.
  • Refaire ma garde-robe au complet. Rien d’extravagant, juste du neuf qui me va bien et qui est altéré correctement. Tsé, la base.
  • Organiser des soirées de filles plus souvent. Et qu’y règnent les litchi-martinis!
  • Engager quelqu’un qui numériserait mes photos, mes CD et le contenu des cassettes VHS qui survivent par miracle à chaque déménagement. Me semble que je perdrais 20 livres d’un coup. Le rêve.
  • Aller à la mer chaque été. J’aime la mer, je vous l’ai déjà dit?
  • Lire tous ces romans fabuleux qui patientent sagement dans ma biblio. Gros contrat (bis).
  • Voir la filmographie entière de Meryl Streep. La reine des reines.
  • Et celle de Clint Eastwood.
  • Partir en Europe avec mon papa. Parce qu’une fois aux 15 ans, c’est pas suffisant.
  • Continuer d’écrire. Toujours.
  • De créer. Sous toutes ses formes.
  • Et espérer que vous me lisiez, que vous me suiviez, dans toutes mes errances…

 

Ce texte a été publié dans le magazine Coup de Pouce de mai 2014

La faute au progrès

Parmi tous les vilains défauts que je possède – et croyez-moi, il y en a plusieurs -, le plus laid, le plus tenace, le plus vivace, c’est l’impatience. Mais c’est pas de ma faute, c’est la faute au progrès. Doutez de ma sincérité tant qu’il vous plaira. Mais tout de même, explications requises ici.

J’envoie un courriel afin de sonder l’intérêt pour un souper entre amis. Impensable pour moi de vivre sans courriel, cette magique invention qui relègue aux oubliettes la chaîne de lettres et l’appel conférence. Eh bien, 6 minutes plus tard, croyez-le ou non, toujours pas de réponse! Inadmissible. Tous ces précieux amis ont pourtant équipé leur ordinateur d’avertissements sonores. Et ils profitent de la luminothérapie de leur écran à longueur de journée. Ne venez pas me dire qu’ils ne l’ont pas lu! Je trépigne, commande à ma machine d’envoyer-recevoir à chaque minute, affuble mes envois d’avis de lecture. Je m’impatiente. Je respire mal, j’hyperventile. Voyez, c’est la faute au progrès.

Un texto non répondu dans la minute devrait être passible d’une amende. Non, mais c’est vrai. On peut porter notre téléphone intelligent au cou, se le greffer à la ceinture ou le faire tinter au poignet comme une breloque… Alors, arrêtez de me donner du «Il était au fond de ma sacoche» pour excuser votre geste impardonnable de ne pas avoir répondu. Et ne me dites pas que la vibration dudit appareil ne vous réveille pas la nuit. C’est connu, le bois de table de chevet transmet le son à merveille. Il n’y a pas d’excuse qui tienne: répondez! Vous m’éviterez ainsi une syncope et une tendinite à force de déverrouiller mon appareil aux 3 minutes, impatiente que je suis d’avoir de vos nouvelles, pour voir si vous m’avez «texté back» (hommage à Lisa Leblanc).

Vivre au temps des messagers et autres pigeons voyageurs pour transmettre les messages qui parvenaient au destinataire sentant encore le crin de cheval et se tacher les doigts sur l’encre diffus? Très peu pour moi. Je n’ai de romantique que la couleur de mon vernis à ongles. Rose. À ce propos, ne me parlez pas de passer un moment de détente à me faire cajoler les pieds en me laissant aller à la rêverie pendant que mon vernis prend une éternité pour sécher. Que nenni! À moi les précieuses secondes pour retourner au triathlon du quotidien (lavage-pliage-ménage), car, depuis que je peux peinturlurer mes menus ergots de couleur à séchage supra-rapide, exit la détente et le farniente! À moi l’efficacité doublée de coquetterie, soit celle qui fait matcher la couleur de mon manucure avec celle du crémage à cupcakes étalé sur mon cardigan blanc! Efficace, dites-vous!? C’est mon middle name. Impatiente soit, mais une impatiente qui opère.

Vous savez bien que je blague, n’est-ce pas? Impatiente à ce point-là? Pas du tout. C’est pour l’exemple. Cela dit, si votre commentaire par courriel ou Twitter ne me parvient pas dans la minute où vous laisserez ces pages, je ne réponds plus de moi. Moi et ma fiévreuse impétuosité serons alors sans merci. Non, mais il ne faut pas abuser de ma patience. Hé oh.

Ce texte a été publié dans le magazine Coup de Pouce d’avril 2014

Agent de police

Déjà quelques mois que je m’épanche en ces pages à coups de révélations intimes sans grands bouleversements mais quand même, je sens que nous nous connaissons suffisamment pour que je frappe plus fort aujourd’hui. Merci de ne pas me juger trop durement.

Je vous l’avoue, j’ai raté ma carrière. Mais alors là, complètement. Agent de police, c’est ce que j’aurais dû faire. Je ne saisis d’ailleurs pas pourquoi je ne figure pas au générique de 19-2… et pas juste pour partager une patrouille avec Claude Legault (quoique) mais bien parce que police, c’est ce dans quoi, bien humblement, j’excelle, dans mon quotidien. Police je suis et serai toujours.

Police du brossage de dents. Police de dire merci, s’il vous plaît et au revoir. Police des texteux au volant. Police des pas-capables- de-conduire-comme-du-monde qui m’attirent les hauts cris dans l’habitacle protégé de ma voiture.

Police des coulisses quand mes camarades s’en donnent à coeur joie et rivalisent hors scène avec le show qui se déroule sur les planches.

Je me ferais violence d’être autrement. J’ai déjà couru après une ado qui avait jeté son emballage de popsicle par terre au lieu de s’étirer le bras pour le jeter dans la poubelle débordante. Je lui ai poliment remis ledit emballage, lui suggérant avec insistance qu’elle l’avait sans doute échappé, m’attirant un «haaaan?» pour seule réponse. Police de la politesse.

Je suis celle qui jette des regards de feu haineux aux «jeteux par terre»: cendrier de char (oui, oui, ça existe encore) et emballages de toutes sortes. Je suis sur le bord de me faire imprimer des contraventions non pas de style, mais de mauvaise conduite civile et de les distribuer allègrement à tous vents.

Police des places de stationnement réservées aux jeunes familles et aux mamans bedonnantes. Le nombre de factures chiffonnées, griffonnées à l’endos d’une calligraphie polie mais sentie, laissées sous les essuie-glace, je ne les compte plus.

Police des petits pas-fins au parc qui lancent du sable aux camarades. Police des petites pas-fines au parc qui poussaillent dans les jeux.

Police des desserts de semaine. Une rangée de biscuits au dessert devrait être passible de sanction.

Police des pas-polis. Police de ceux qui n’essaient même pas de s’adresser à moi dans la langue de Molière.

Police de ceux qui sautent sur la caisse nouvellement ouverte à l’épicerie alors que tu attends depuis plus longtemps qu’eux.

 Police des pas-d’allure qui pensent que la salle de cinéma est leur salon et qui me partagent leur avis sur la mise en plis de l’actrice à l’écran.

Pffffff. Parfois, je m’épuise moi-même d’être aussi perméable aux agirs de tout-croches des autres. J’aimerais tant être autrement, mais je pense qu’être police est une vocation.

Rassurez-vous. Je suis plus souvent qu’autrement une agente en civile, me gardant plus souvent qu’à mon tour une gêne immense. Pour ne pas m’immiscer dans les habitudes des gens, dans leur façon de vivre. Ça ne regarde qu’eux, après tout.

Mais je me demande souvent à quel point un avertissement, un appel à la considération d’autrui, une demande polie pourrait faire boule de neige ou simplement éveiller quelqu’un sur son comportement.

Altruiste? Rêveuse? Utopiste? Non. Police. Tasse-toi, Béroff.

Texte publié dans le magazine Coup de Pouce de mars 2014.

Mise à jour

Arrive-t-on à être à jour? Se peut-il que, pendant ne serait-ce qu’une toute petite journée dans ma vie, je sois à jour? Sans appel à retourner ni courriel à répondre.

À jour dans mon courrier. Dans mes factures à classer, à payer. À jour dans ma prise de rendez-vous pour les spécialistes de tout acabit, pour les enfants comme pour moi. À jour dans la déco de la maison. À jour dans ma teinture. À jour dans le classement de mes recettes, de mes photos. À jour dans les nip à changer, les avis à donner, les virements à effectuer. À jour dans mes contacts avec mes amis. Dans ces soupers promis, dans ces brunchs dus, dans ces massages sans cesse remis…

La faiseuse de listes en moi manque de souffle, de temps, de mine dans le crayon pour tout noter et, éventuellement, de temps pour tout cocher. Tout ça sans compter les «il faudrait bien que» qui naissent au hasard des nuits de pleine lune et qui s’ajoutent à la dizaine de post-its qui enlèvent le lustre de mon bureau de travail. Qui retroussent dans mon agenda toujours plus rempli. Qui masquent l’écran de mon ordi et m’empêchent d’y voir clair.

Parmi vous qui êtes plus âgées, dans la fleur de l’âge (quelle drôle d’expression!), dites-moi, rassurez-moi: arrive-t-on à être à jour, un jour?

Vous arrive-t-il de vous surprendre à préparer votre thé préféré (que vous n’avez eu aucun mal à trouver parce que tout est bien rangé) sans que votre bouilloire ait aucune trace de calcaire, de sortir le boire à l’extérieur sans obstacle aucun, de jouets à la traîne ou de vieilles pantoufles égarées, d’admirer votre jardin dépourvu de toute mauvaise herbe indésirable, de toute petite fleur fanée et de vous dire que tout est bien. Qu’il n’y a rien à faire. Que votre liste est cochée en entier. Que vous êtes à jour. Pas de brassée. Ni à plier ni à ranger. Aucune pile qui traîne. La boîte vocale vide, le frigo plein. Les pneus de la voiture de la bonne saison.

La simple pensée de cette image me bouleverse, me fait frissonner d’envie mais surtout me fait soupirer. Soupirer parce que j’ai bien peur de ne jamais y arriver. Même pour quelques minutes.

Du coup, les heures passées à procrastiner se rappellent à moi, telles des esprits venus me hanter. Sept ans sans classer tes photos? Tant pis pour toi, une semaine entière sans enfants ni mangeaille ne suffirait pas à tout organiser. Les innombrables minutes sur Internet à chercher tout et rien à la fois me rient en pleine face.

Toutes ces rubriques où on m’offre des trucs pour organiser ma vie, mon bureau, mes vêtements m’épuisent parce que, pendant que je les lis ou les regarde, je ne suis pas en train de mettre de l’ordre, vous voyez un peu? On ne s’en sort pas.

 Bon. Avec tout ça, je suis maintenant à jour dans mes textes pour votre magazine favori. C’est déjà ça de pris! Check

Texte publié dans le magazine Coup de Pouce de février 2014

Résolutions 2014

Voici en vrac et à mon image, c’est-à-dire un peu tout croche mais pleines de bonne volonté, des résolutions pour l’année qui s’amène. Certaines anodines, d’autres moins…

  • Arrêter de dire «un petit» et «une petite» pour tout et pour rien comme dans: «Veux-tu une petite collation?», «On se loue-tu un petit film?» ou encore: «Prendrais-tu une petite napkin?» C’est réducteur, matante et achalant.
  • Utiliser sur-le-champ les échantillons de crème, gels, repulpants et fonds de teint qu’on me donne à profusion ici et là au lieu de les garder en banque pour un éventuel voyage que je ne suis pas prête de faire de toute façon.
  • Toujours au rayon des crèmes: terminer tubes, pompes et petits pots avant de flyer m’en procurer d’autres. Ça ne vit pas éternellement, ces petites concoctions-là.
  • Ne plus prendre de résolutions de type organiser un brunch de filles par mois, un week-end de couple par mois, une visite au spa par mois, un film par mois au cinéma… Y’a toujours ben juste quatre fins de semaine dans un mois, tsé.
  • Planifier deux repas de poisson par semaine. Et un végé. Facile.
  • Devancer mon heure souhaitée de dodo le dimanche soir d’une heure. Ainsi, avec un peu de bonne volonté et d’aide de mes boys, je finirai par me coucher à 22 h si je me programme pour être au pieu à 21 h…
  • Pratiquer plus souvent le principe de la sandwich (du négatif-constructif ensaché entre deux positifs) avec mes enfants. Exemple: «Oh! le joli dessin de moi! J’ai une moins grosse bédaine que ça et plus de cheveux, mais il est beau, ton dessin et me fait très plaisir, merci.»
  • Arrêter de m’acheter des bijoux cheap. Ça pète, ça s’oxyde, ça donne de l’infection aux oreilles.
  • Saluer gentiment les gens qui chuchotent outrageusement bruyamment: «Eiiiilllle, c’est la fille qui joue à tévéééé!» Avec un peu de chance, ils saisiront ainsi que 1) je ne suis pas sourde et que 2) un bonjour suffit amplement et me met moins en beau fusil.
  • Essayer de «slacker» un peu sur le perfectionnisme. Quand donc apprendrai-je que ce n’est pas nécessairement en en donnant plus que le client n’en demande qu’une compagnie se met riche. Et qui plus est, qu’elle met son gérant à l’abri du burn-out.
  • Arrêter d’avoir des inspirations pour le Coup de pouce à 11 h moins quart le soir alors que mes dents sont brossées, que je suis crémée de la tête aux pieds et sur le bord de passer de l’autre côté. Je m’éviterai alors une bêche dans l’escalier en filant vers l’ordi pour noter rapido mes idées avant qu’elles repartent aussi vite qu’elles sont venues.
  • Aller porter chez la couturière ces jeans trop longs, cette robe trop lousse, cette jupe au zipper fendu. Une garde-robe neuve pour quelques dollars, qui dit mieux.
  • Faire le ménage tout de suite dans les dessins et bricolages des enfants avant de me fendre le coeur dans cinq ans à ne plus pouvoir décider lequel garder, lequel jeter.
  • Adopter l’idée géniale de ma mère de ne pas cuisiner le dimanche. Ou plutôt de toujours cuisiner la même bonne chose: soupe à l’oignon gratinée pour le lunch, cheeseburgers pour le souper. M’éviter ainsi l’angoisse du menu et la sempiternelle question: «Qu’est-ce qu’on maaaaaange?»
  • Arrêter de me sentir coupable quand je n’ai pas envie de terminer un roman que tout le monde encense.
  • Arrêter de me sentir coupable de ne pas être assidue dans mes réponses sur twitter.
  • Arrêter de me sentir coupable, point. (Ça, j’en ai pour la prochaine décennie au complet!)
  • À tous, une bonne et heureuse!

 

Texte publié dans le Coup de Pouce de janvier 2014

Mon Noël traditionnel

La revoilà, cette folle période enneigée, voilée de poudreuse à la cannelle et d’une ambiance un peu surannée. Pour l’occasion, les ornements de la grand’tante s’éventent hors de leur écrin de boules à mites et les disques de mille neuf cent tranquille se font aller. On chantonne Mele Kalikimaka de Bing Crosby en sirotant un porto-soda – ou pire, un Cinzano – en assemblant des bouchées, affublée d’un tablier fleuri. Mon Noël, je l’aime traditionnel. Un peu nostalgique aussi, il est vrai…

On ressort les jeux de cartes qui sentent le fond de tiroir de chalet, le jeu de Jenga, de Tock, de Yum, de Boggle, retrouvant en souriant les résultats des folles parties de l’an dernier, les matchs revanche, les défaites amères terminées en ostinage, les tournois de belles-soeurs.

Seules nouveautés sorties des boîtes; nos achats en solde d’après Noël alors qu’on hyperventilait dans l’interminable filée sous notre manteau trop chaud, portant quelques livres de plus, gracieuseté du pain sandwich de Tante Sylvie ou des choux à la crème de Tante Rolande. Casse-noisette soldés et centres de table cocottés de lamé d’argent luttent pour se faire une place à côté des boules qu’on traîne depuis notre premier appart, incapable de s’en défaire, même si elles viennent du Dollo. À Noël, pas toujours facile de faire une place au nouveau.

Décembre vous rend-il nostalgiques? Regrettez-vous ce temps où votre seule responsabilité était de fouiner pour découvrir la cachette des cadeaux et pratiquer votre face de surprise devant le miroir pour qu’une fois la nuit du grand déballage venue, votre mère ne se doute pas que vous aviez découvert le pot aux roses? Gardez-vous un souvenir doux-amer de cette tête de poupée à coiffer que vous aviez reçue au lieu de la trousse complète de maquillage que vous aviez pourtant bien clairement demandée, entourant de rouge l’article dans le catalogue Distribution aux consommateurs?

Parce que c’est aussi beaucoup ça, Noël: des souvenirs. La messe de 10 h et ses fous rires contagieux au possible. La tenue étrennée pour l’occasion. Le retour à la maison en passant par le dépanneur pour y acheter de la liqueur, breuvage rare chez moi mais très prisé aux fêtes. La photo officielle, devant le sapin avec un verre de Blanquette de Limoux. Je ne vous dis pas le bonheur quand j’ai bu du «vrai» champagne, des années plus tard! Les bas de Noël le matin du 25, les yeux encore petits d’avoir déballé jusqu’à tard dans la nuit. L’odeur de teinture des pyjamas neufs portés pour la première fois… Tant de souvenirs, de traditions répétées année après année.

Mes frères avaient toujours dans leur bas des bobettes et des bas, justement. Toujours des cennes en chocolat pas mangeable qui goûte le parfum. Toujours des clémentines. Toujours la petite boîte de After Eight au milieu de la table. Toujours des Smarties dans le bol en verre taillé beaucoup trop lourd que personne n’ose déplacer pour éviter d’être celui qui réduira en mille morceaux ce joyau familial que nul ne souhaite recevoir en héritage.

Souvenirs, traditions répétées au fil des ans qui font que mes Noëls d’enfant sont à la fois les miens seuls et ceux de tous. Ils ont quelque chose de rassurant, de connu, de réconfortant. Un Noël sans tournoi de Tock n’est pas tout à fait Noël. Un Noël sans beignes, sans Ave Maria, sans repas de ragoût non plus. Noël traditionnel, ça sonne ringard? Peut-être. J’ai toujours préféré le pain sandwich au caviar.

Ce texte a été publié dans le magazine Coup de Pouce  de décembre 2013

Les mauvaises journées

Elles commencent toujours avec le lever du mauvais pied, l’oeil collé, l’oreiller étampé. Au fait, si quelqu’un connaît un truc pour savoir de quel pied il faut se lever, je suis preneuse.

Il n’y a plus de pain, ou de lait, ou de café, ou d’essence dans l’auto – choisissez. Les mauvaises journées, on n’a plus de bobettes, il ne nous reste que des soutifs beiges, on a la jambe lourde et la racine plus que due.

On se change sept fois, ne sachant plus si on se sent fleurie, unie foncé ou unie pâle. En noir de la tête aux pieds. Notre jean préféré est en tapon sous le lit avec les bilous. On fout le bordel dans la chambre, à la recherche d’un habit de camouflage pour passer inaperçue dans la jungle urbaine ou, mieux, en quête d’une tenue qui fera de nous la femme invisible, donc introuvable – ô joie! – pour la journée.

Ne pas faire face à la situation. Vouloir se terrer sous la montagne de vêtements qu’on devra ranger à leur place dans des tiroirs déjà trop pleins, le soir venu. «Rusher» les enfants. Oublier les collations. Sacrer en butant sur des jouets laissés dans le passage, pour se rendre compte que ce sont nos chaussures qu’on a laissé traîner. Ne pas s’excuser aux enfants d’avoir levé le ton pour rien. Pas le temps. Parce que les mauvaises journées, on est forcément en retard.

Les mauvaises journées, on se sent gonflée. On est affublée d’un bouton en plein centre du front, explosion hormonale. Pourquoi faut-il que ce soit LA journée où on doit refaire notre photo de passeport? où on a un meeting important avec LE gars cute du bureau? Les mauvaises journées, on se sent moche, grosse, pas assez ceci, trop cela, la face tombée, le regard cerné. De bleu, de fatigue, de foie qui file pas.

Les mauvaises journées, tout le monde nous tape sur les nerfs. Pas le goût de se faire des nouveaux amis ni de socialiser avec les mamans de la garderie. On donne du coude dans l’autobus. À l’épicerie, on ne laisse pas passer la dame qui n’a pourtant dans son panier qu’un pain et deux oranges – qu’elle attende son tour comme les autres.

On passe tout droit au passage piéton en ignorant les badauds qui poireautent sur le trottoir. Les mauvaises journées, on n’est pas d’équerre, pas d’adon, pas polie. On est bougon, on bardasse, on bourrasse.

C’est là qu’au café, pendant qu’on attend notre latté les yeux dans le flou, arrive quelqu’un avec son aura de bonheur. La tête auréolée d’un halo lumineux qui fleure bon la lessive fraîche séchée au soleil de juillet alors que nous, on a le novembre gris et le cerne à l’année. On pourrait se laisser toucher par ces effluves de bonne humeur alors que volette devant nos yeux cette parfaite silhouette drapée dans une jupette d‘étoffe soyeuse. Mais non. On baboune et on l’envie. On peste et on l’haït. Parce que c’est une mauvaise journée. Parce que le nuage gris nous suit.

Alors, on se fait plaisir. On fait mine de s’enfarger dans ces talons trop hauts qui nous font souffrir de maux de dos et on renverse notre latté sur sa robe jaune soleil. De deux choses l’une, soit cette damnée journée se poursuivra plusieurs jours, vos griffures comme témoins de ce catfight hideux à chaque reflet de miroir, soit elle s’achèvera aussitôt, votre vengeance ayant opéré sans riposte aucune, laissant la «parfaite» en sanglots devant votre oeuvre caféinée. Oui, je sais, c’est pas beau, la vengeance, mais vos parents vous ont bien élevée et vous ont appris à partager. Oui, oui, même les mauvaises journées.

Ce texte a été publié dans le Coup de Pouce de novembre 2013

Ma télé bien aimée

 

Compagne de nos soirées et des matinées des mousses, elle fait partie de la famille. Comment imaginer la vie sans elle, avouez. Toute timide dans ma L’Assomption natale, j’étais loin de me douter qu’elle me ferait gagner ma vie une fois devenue grande. Qu’elle serait celle par qui vous me saluez à l’épicerie, celle par qui vous vous demandez où vous avez vue ma binette et m’attirent parfois d’étonnants commentaires tels « Vous êtes plus belle en vrai! » ou encore « Ça doit être vrai que la télé donne 10 livres, vous êtes toup’tiiiiite! »

Assise dans les marches du sous-sol de la banlieue qui m’a vue grandir, j’étirais la sauce chaque dimanche soir pour regarder les stars de l’improvisation imaginée par feu Robert Gravel s’évertuer à ce jeu impitoyable. Sur l’écran coiffé d’oreilles de lapin, c’était alors Radio-Québec qui diffusait ces performances uniques. Diane Jules, Sylvie Potvin, Chantal Fontaine, Raymond Legault, sa sœur Sylvie, Robert Lepage. J’y ai vu là les plus belles prouesses d’acteurs. La fébrilité des joueurs perçait l’écran de la Zénith en couleurs. L’excitation était palpable. Connaissant alors par cœur l’hymne de la LNI; La feuille d’érable, issue de La Bonne Chanson, la chair de poule me prend encore aujourd’hui à l’écoute de la note finale soutenue. Je priais pour qu’Yvan Ponton, vêtu de son gilet zébré pige une comparée de 5 minutes. Je volerais ainsi à la nuit quelques mille secondes de plus, en comptant le caucus et le vote. Le bonheur.

Assise dans ces marches habillées de tapis marron losangé d’ocre et blanc, toute fascinée devant ce jeu qui m’intriguait et m’attirait comme un aimant, j’étais loin de me douter que je foulerais à mon tour la patinoire quelques 15 ans plus tard. Je n’en fais plus d’impro. Ça me rend malade, peu attirée par l’imprévu sans filet que je suis.

Plus tard, le dos calé dans un sofa vintage avant l’heure, j’ai détesté et aimé à la fois Jean-Paul Belleau. Son interprète allait m’enseigner le jeu des années plus tard. J’allais même partager avec lui les papillons caractéristiques d’un soir de première au théâtre et jouer son amoureuse éperdue sur les planches. Qui m’aurait dit…

La série Avec un grand A de notre Janette nationale, est j’en suis persuadée, la série qui m’a inconsciemment donné le goût du jeu. Qui a semé en moi ce besoin de faire vivre et ressentir. D’être une sorte de courroie de transmission de l’émotion.

Auprès de ma mère, j’ai apprivoisé le parler franc et imagé de Victor-Lévy Beaulieu, faisant connaissance avec l’unique Jean-Louis Millette, le plus grand que nature Gilles Pelletier, admirant un Yves Desgagnés au charme dévastateur et son délectable « ostie toasté des 2 bords ». Aujourd’hui un ami, il m’a confié les plus beaux rôles du théâtre russe et m’a ainsi permis de partager la scène entre autres avec M. Le Ministre lui-même, Michel Dumont et l’inoubliable Fanfreluche, Kim Yaroshevskaya.

L’Héritage. Des dames de cœur. La Bonne aventure. Le temps d’une paix. Le Parc des Braves. Des téléromans de « grand » que j’avais le droit de regarder. Ma mère avait-elle saisi mon intérêt? Ma fascination pour ce médium avant le temps?

Avant de devenir une étoile de plus dans le ciel, ma grand-maman Estelle m’aura vu dans son téléroman préféré, partageant l’écran avec son beau Alain Zouvi! J’entrais dans la télé par la grande porte en jouant dans 4 et demi aux côtés de Rosanna elle-même…

La télé comme un aimant, comme vecteur d’émotions. Je ne croyais pas qu’elle aurait un si grand impact sur moi. Je dis toujours que je n’ai su que bien tard que je voulais faire ce métier, en jetant ce regard rétrospectif, je me demande si elle ne savait pas déjà tout l’effet qu’elle avait sur moi. Ma chère dame, si c’est vrai que la télé donne 10 livres, ça doit être 10 livres d’amour.

Texte publié dans le numéro d’octobre 2013 du magazine Coup de Pouce.