
Je dors.
Pour ceux qui se le demandent. Ou pas.
Je dors. Longtemps. Sans pauses pipi. Sans réveils de ronflements, sans terreurs nocturnes ni cauchemars.
Je me réveille quand mes yeux s’ouvrent d’eux-mêmes et pas parce que mes oreilles entendent les portes claquer et les bonhommes dans la télé.
Je refais mes réserves de sommeil réparateur et profond.
Jamais en bas de 10 heures. Et je suis chiche sur le chiffre. C’est pour ne pas vous contrarier.
9 ans que je n’ai pas enfilé 2 nuits de plus de 8 heures de suite. Ça fait beaucoup de chiffres hein?
Est-ce ce qu’on appelle vivre un rêve?
Se lever sans cadran est un luxe de retraité que je me permet bien avant le temps.
Et comme j’aspire à travailler aussi longtemps que Janine, je ne le vivrai pas à nouveau avant bien longtemps encore.
Donc, je dors.
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La vie de soir me plaît tant qu’elle est éphémère.
C’est ce qui fait tout son charme.
Partir travailler en croisant les enfants qui rentrent à la maison; le bruit de leurs bottes traînantes avec au bout de leurs bras trop longs, des boîtes à lunch plus vides qu’à l’aller. Ayant laissé seulement les petites carottes blanchies au fond d’un sac et une gorgée de soupe dans le thermos.
La vie de travailleur du soir.
Cette vie de toutes les permissions. Quand le travail n’en semble pas un. Être même étonnée d’être payée pour le faire. Que la charge seule d’une salve d’applaudissements en fin de course soit suffisante.
Retrouver les amies en loge. Les petites habitudes. Les rituels. Les « conte moi donc ça ».
La journée de plein air de l’une, la longue nuit de sommeil réparateur de l’autre, les grandes dépenses en guénilles de toute une chacune. Un petit rhume qui se pointe la face, sitôt assommé à coup de gouttes, de gélules, de gargarismes.
Meubler sa journée « en attendant ». C’est vraiment à ça que ça ressemble. Regarder sa montre aux quarts d’heure dès 15h. Pour que chaque minute soit profitable d’ici le départ vers la loge. Se préparer doucement, souper juste assez tôt et léger. Pas trop tard, pas trop lourd.
Le temps prend alors une autre dimension. N’est plus réglé par le son de la cloche de la fin des classes. Ni par celui du four qui sonne le début du souper animé en famille. Mais par celui du stand by 1h, du stand by 30, jusqu’à la rumeur de la salle qui vient envahir l’estomac de papillons, s’ils n’avaient pas encore trouvé leur chemin à venir jusque là.
Travailler le soir c’est être en sursis toute la journée. Être en stand by.
Et préparer avant le départ, le retour.
L’ordre qui se fait sur la table, vider le thé froid, ranger les lectures inachevées.
Préparer le lit qui nous accueillera dans ses bras chauds au retour, à défaut d’avoir ceux de l’être aimé.
Laisser une lumière allumée. Comme la sentinelle sur la scène à l’arrivée au théâtre.
Pour que les fantômes y voient clair.
Et ne s’éclatent pas le petit orteil dans les marches qui mènent aux coulisses.
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L’ombre des flocons.
La brillance de la neige.
Lumineuse et flamboyante dans la nuit.
Être la première à froisser ce coussin de flocons. Comme le pied sur une lune fraîche.
Cet édredon de cristal qui couvre tout, sans préférences. Qui se pose là où ça atteri.
Les lampadaires rendant l’ombre des flocons sur ses semblables déjà au sol.
Amassés. Ensemble.
Ombres grises sur drap immaculé.
La ville endormie qui crisse sous mes pieds.
La ville qui me veille et me porte jusqu’à mon lit où je rêverai de toi.
De vous.
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