Petit bonhomme de chemin.

 

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Écraser une larmette derrière les shades de vedette

-accessoire essentiel des matins fripés pressés où on met de l’eau chaude dans la gourde et de la fraîche dans le thermos, où la ligne de khôl mal démaquillée de la veille a fini sa course sous l’oeil pendant qu’il était fermé, même si pas assez longtemps à notre goût-

Écraser une larmette devant celles du petiot qui n’a nulle envie d’aller faire des assemblages de Monsieur Patate avec ses pas encore tout à fait amis au service de garde.

Au retour de l’école dans ce matin tout soleil de septembre, déjà l’air frais qui fait regretter la gougoune vite enfilée, déjà la lumière changée, j’ai comme une boule. Une boule de rentrée qui se précipite, contente qu’elle soit enfin là avec son lot de routes connues et brassée aussi par les grands vents de « on verra » « ça va aller » « on va s’habituer« .

Ce temps qui passe toujours si vite et parfois pas assez vite à notre goût. On voudrait qu’il passe rapido pour les bouttes plates, et qu’il s’arrête pour les bouts doux.

En tournant le coin, à contre jour, je vois arriver dans la lumière d’automne, Éliane, ma petite gardienne et voisine. Un écouteur sur chaque oreille, ses ongles en acrylique soigneusement arrondis, ses lunettes à la mode, la jupette de son uniforme qui claque sur sa cuisse bronzée. Son sourire est contagieux et me rend le mien. Elle me confie que c’est gros ce début d’année mais qu’elle va réussir, qu’elle doit se faire confiance et qu’elle va y arriver, tout ça dit avec une fossette à la joue.

Belle enfant lumineuse, toujours en équilibre sur la poutre de l’inquiétude et de la confiance. Tiens tiens…elle me fait penser à quelqu’une.

À peine saluée et la voilà qui file vers son autobus et que toujours derrière mes lunettes miroir, mon regard attrape cette fois celui de Sandrine, cette autre charmante voisine. La voilà équipée pour sa course matinale, avec son corps longiligne et ses cheveux blonds d’extensions pas d’extensions.

Je me souviendrai toujours de notre 2e hiver ici, alors que bambino dormait dans sa coquille sur le balcon et que nous installions les lumières de Noël à l’extérieur, elle nous était arrivée accompagnée de toute sa timidité et sa candeur, avec une boite de biscuits maison qu’elle avait faits avec sa maman. La voilà aujourd’hui plus que grande, toujours réservée mais lumineuse et gracieuse avec son corps de ballerine, de mannequin, d’athlète ou simplement de belle jeune femme qui aspire au meilleur que peut lui permettre sa brillante personnalité.  Je la salue de la main pendant qu’elle s’active à la course.

Et la voilà qui file et poursuit sa route dans une foulée légère.

Comme nous finissons tous par le faire au fond.

De petit à grand.

D’inquiet à confiant.

Ces jeunes femmes je les ai vues petites, craintives devant les grandes traversées, timides mais qui avancent toujours et prennent confiance. Polies, sympathiques, curieuses. Et les voilà grandes. Et me voilà avec mon discours de grande personne.

Moment précieux ce matin sur la route du retour de l’école.

Habillée en doux trop grand parce que c’est tout ce qui me faisait envie, un peu fripée de la veille, le coeur un peu lourd parce que tout le temps balloté entre les extrêmes joies de la reconnaissance et les petites grandes peines du quotidien, dans la lumière changeante, j’ai croisé ces rayons qui me font comme un baume.

Ces belles filles devenues des jeunes femmes ajoutent à mon réconfort, comme un thé chaud que je sirote en écrivant ces mots.

J’imagine mon grand en classe, qui circule en silence dans le corridor.

Mon grand petit qui à cette heure doit jouer au ballon dehors avec les copines Ellie et Adèle, avant d’entrer en classe manger sa collation (Mets-moi z’en plus maman, hier une banane c’était PAS assez!)

Chacun sa route, chacun son chemin, vite pas vite, en talons ou en espads, au privé ou au public, la route se marche ou se court

Mais elle se passe.  Pas moyen de l’arrêter.

Et on arrive, quelques dizaines plus tard.

Nous voilà, on sait écrire et plus tant compter.

Mais quelque part on sait. Que le temps oui, va continuer de filer, mais surtout,

que « ça va aller« .

Que les petits deviendront grands eux aussi, confiants, marchant vers la lumière d’automne avec leur petit bagage, recevant les sourires qui rassurent, les saluts des voisins qui les ont vu grandir.

Ça va aller.

Mets tes lunettes miroir, ils te renvoient un reflet de petits déjà grands, si vite.

Un reflet inspirant où tout est possible.

Possible de faire son chemin.

 

 

 

 

 

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