Me dire que je suis capable.
D’être seule.
De ne pas meubler le silence.
De ne pas m’activer le texto frénétiquement en désespoir d’absence.
De ne pas « me logger » à tout instant, pour scèner qui fait quoi
Pendant que moi, je ne sais pas.
Apprivoiser cet état rare. De calme. De toute la journée devant moi. De pas d’enfants tout près.
De silence.
Le laisser envahir cet espace nouveau, inconnu. La poussière des uns, les murs mal insonorisés des autres. Pas tant silencieux quand j’y pense. Mais le charme aussi, de cette vieille ville qui m’accueille. Qui m’offre tout et tant que je ne sais pas quoi choisir. Tout court et en premier.
Oui, je vais être capable.
Je n’ai aucune peine à être seule. Je me plais à le dire, souvent. Et j’en suis bien honnêtement, convaincue. Je ne m’ennuie jamais, toujours quelque chose sur le feu, une idée, un barda, un projet, une soupe.
Mais seule ailleurs que chez nous, c’est pas pareil. Mes petites affaires. Celles que je dois faire. Les autres qui attendent en tas, que je déprocrastine et reprogramme mon système d’efficacité. Celles qui se font sans que je n’aie plus à y penser.
Seule ailleurs avec ses odeurs nouvelles, ce frette immense quoiqu’ensoleillé.
Seule ailleurs. Et surtout, seule sans mes amours. Seule pour vrai. Quel choc.
Je me sens en mode initiation. En mode acceptation.
Accepter l’absence de brouhaha, le pas de lunch à faire, le pas de chicane. Accepter que personne ne rentrera ce soir dans ma maison chaude qui embaume le contenu de la mijoteuse. Que je n’aurai plus pour plusieurs jours, de petits bas en boule à sortir des jambes de pantalons revirés à l’envers en tas devant le bain. D’arrière de petites oreilles à frotter pendant la trempette. Pas de chanson le soir à chanter, pas de ramassage de fin de soirée en me frottant le dessous de pied nu douloureux d’une blessure de bloc Lego. Pas de « maman vient me voir avant d’aller dormir… »
Je dis souvent qu’être mère est simplement ajouter un dossier de plus à son classeur de femme. Mais avec 1428 onglets.
J’ai laissé mon classeur à la maison mais je me sens pas plus légère. Bizarre.
Accepter.
De me recoucher. De m’étirer pas rapport sur le plancher de cet appart qui craque. Accepter de me perdre en cherchant mes repères. Accepter que le temps de ma journée passe sans que j’aie fait quelque chose de constructif avec.
Accepter bis. Accueillir.
Ce silence souvent tant attendu et souhaité à coups de « s’il-vous-plaît les gars! » et de « je peux-tu parler à mon amoureux 3 minutes en ligne sans être interrompue pour des niaiseries please? »
Pourquoi on a tant de misère à quitter notre job de mère? Pourquoi on est alors tant sans repères? Pourquoi on désire tant et si souvent un moment de pause et que quand il est enfin là, on se retrouve démunie et que le lâcher lousse nous paralyse?
Comme si je ne me souvenais plus du avant.
Comme si je peinais à exister sans.
Et pourtant.
Je prend une pause de ma job de mère pour faire ma job d’actrice en bottes hautes en bas de la côte.
Une pause de mère en vrai mais jamais dans mon coeur.
Mère forever.
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J’écoute Avec pas d’casque pour meubler ce silence d’un peu de doux et je promet que la journée qui s’en vient sera flambant neuve.
Une marche du Haut vers le Bas à la fois.
Québec, ouvre tes bras pour une mère esseulée.
Mais crains pas, je m’ouvrirai pas une garderie de spare pour autant.