Et les larmes ont coulé.
Salvatrices et timides à la fois. Comme pour ajouter à l’humidité déjà bien présente d’août.
Attablées sous la lumière crue qui jette un sort à notre assiette, nous avons pleuré ensemble. Sous ce spotlight qui attire les insectes de fin de soirée, qui révèle autant les araignées descendantes du plafond de la terrasse, que l’imperfection de la coupe des asperges de la pizza à la mode. Qui révèle les feuilles un brin fatiguées de roquette, le lac d’eau sur la table, résultat de la condensation du verre de cette sangria au rosé et au thé noir vers laquelle nous -grandes amateures de thé- avons été de suite attirées.
Les larmes ont coulé, de part et d’autre de la table, au récit des étapes de cette fin de vie. Celle du père de ma grande amie. De mon amie d’enfance, de mon amie précieuse.
De mon amie soeur.
Y a pas de mots pour réconforter de cette peine jamais vécue avant. De cette peine jamais connue. Que je vivrai sans doute aussi. Au récit de chaque étape, à laquelle nul n’est jamais assez préparé, j’ai tout de même mesuré ma chance.
Celle d’avoir toujours mon papa bien en shape et présent à mes côtés.
Ma chance aussi d’avoir une amie sur qui je peux toujours compter à chaque échelon de ma vie.
Et ils n’iront pas en s’allégeant nécessairement.
Car si notre vécu d’amies est fait de rigolades, de souvenirs heureux et insouciants, de missions au dépan pour quérir « des Belvédère King size et un 2 litres de 2% pis qu’on garde le change pour des bonbons », de balades au parc Juneau sans heure dite de retour, de yeux rougis à passer des heures dans l’eau chlorée, il est fait aussi d’unions bénies, d’anniversaires, de minutes passées sur le bois des Églises pour célébrer baptêmes, communions et autres confirmations. Il sera donc assez fort pour les minutes passées sur le même bois à pleurer les départs.
Notre vécu d’amitié sera fait de tous ces moments, heureux ou pas. Rieurs ou non. Avec ou sans Kir royal, avec ou sans pain grillé et beurré des 2 bords au Paccini, avec ou sans fou rire, avec ou sans souvenir d’une lointaine chorégraphie de Pied de poule dans le sous sol à la cheminée majestueuse de pierres du 92 rue Joliette.
Au récit de cette fin de vie, qui laisse des souvenirs doux amer, un moment de plus dans la ligne de vie de notre amitié. Une pierre blanche de plus dans le petit sac de velours, à garder précieusement pour les jours gris, ceux où on se sent seules. Même si on est entourées.
Mon amie, toujours là ces souvenirs. Cette présence à jamais au dessus de toi, qui te veille et t’enveloppe.
Toujours là mon amie, à jamais près de toi, pour t’accompagner et te surprendre de mes niaiseries.
C’est correct de pleurer, retiens rien. Lâche tout et laisse aller, ma prof de jeu disait tout le temps: « on pleure pas, on se nettoye les yeux… »
Pis même si tu pleurais un peu, tsé. Même si.
As-tu pleuré aujourd’hui? Je gage que ça y est 🙂
Pis c’est ben ok de même.
Même si tu pleurais un peu. Même si.
Pour Sophie, Marie et Pascal. Et Florian. Et toute leur marmaille.
Photo: Catherine Trudeau