Aux prises avec une « to do » list de 46 pieds de long, j’en échappe souvent. Même si j’aime ça faire des listes, pour le plaisir d’y aller de mon crayon fluo une fois la tâche réalisée, les éléments s’y additionnent et à une liste de vacances, s’ajoute une autre de recettes, de projets, de courriels à répondre, de rendez-vous à prendre.
J’ai l’impression d’avoir une prise sur les choses. De stopper leur fuite express dans le temps.
Mes listes-filets ont parfois les mailles lousses et ainsi se remettent à l’eau de belles prises. Filent des balles à travers.
Il y a quelques jours, j’en ai échappée une belle.
Pis ça m’a fait de la peine.
Le thème de l’année à l’école de mon grand était La Ruée vers l’art. Une année autour de ce thème vivant, pile dans mes goûts et compétences. Pour la fête de fin d’année, un appel aux parents désireux de s’adonner à un atelier lié à ce thème pour partager un peu de leurs connaissances et s’amuser avec les jeunes pour cette dernière journée avait été lancé.
Pas répondu au mail. Les horaires trop volatiles. Puis, ils se sont fixés. Puis ils ont changé à nouveau. Se sont libérés. Puis j’ai oublié. Puis il était trop tard; la liste des ateliers proposés était déjà soumise aux élèves par le comité des profs pour inscription. Et mon nom n’est pas là. Pis ça me fait de la peine.
Pour moi. Pis pour mon gars. Parce que je connais le sentiment d’une maman qui s’implique à l’école pour l’avoir vécu. De voir arriver ta mère dans ton univers, cette fierté de paon, de présenter tes amis, même si elle les connait déjà. Participer à la fébrilité de cette journée magique de la fin des classes.
Mais je n’y serai pas. Because les mailles lousses de mon filet. Because le trop grand nombre de balles avec lesquelles je jongle. Ces temps-çi et trop souvent.
Et savez-vous la meilleure? J’ai de la peine mauditement pour rien parce que je suis allée plein de fois déjà à l’école. Pour raconter des histoires, pour parler de mon métier, pour faire un atelier de personnages, pour bricoler des décorations de Noël en pâte à sel, pour assister au spectacle de musique et au Gala de français ou Élie avait gagné le prix des maternelles pour son poème: La lune est à moi. Là aussi j’avais pleuré.
Mais pas pour les mêmes raisons.
Vous avez le droit de le penser; voyons elle est donc ben sensible, voyons donc, c’est pas grave.
C’est ce que la voix de la raison me dit aussi: Voyons donc. Mais les larmes ont coulé pareil. Même si j’ai mon 8 heures de sommeil. Même si je suis pas spm pantoute.
N’empêche, ça me ramène dans la face les priorités. Que parmi les milles choses à faire, j’en ai échappée une d’importance. Celle de donner au suivant, de partager ce qui m’allume et m’inspire. De permettre à une ou un d’allumer une étincelle chez lui, de se dire: oui peut-être que les arts c’est pour moi, je pense que j’aime ça.
De rendre mon fiston fier et heureux que sa maman y soit elle aussi, parmi tous ces parents inspirés, inspirants, créateurs et aimant leur travail et toutes leurs facettes.
Échappé l’opportunité de m’impliquer. D’être fière de mon parcours et le montrer. Échappé parce que trop occupée? Échappée parce que négligente. Toutes ces raisons-là. Toutes ces balles-là.
J’aurais fait faire du jeu masqué aux élèves si…
Leur aurais présenté mon personnage masqué, celui derrière lequel Catherine se range pour cacher ses regrets et sa peine.
Jongler masqué, ça s’apprend?
Un autre élément à ajouter sur ma liste.
Misère. Pas sortie de l’auberge.
En attendant, bonne fin des classes a tutti!
Illustration: Amélie Montplaisir