Enlever des couches. C’est ce que j’ai fait de la journée de mes 41 ans, going on 42, j’ai enlevé des couches. Rien de glamour pantoute. Pas de brillants ni de spa. Pas de bulles mais de l’eau tiédie au soleil dans une gourde en plastique défraîchie.
Pas de robe neuve mais cette éternelle chienne carreautée brune. En espads affreux dans mon entrée de garage. Étalée partout, des petits outils ici et là, j’ai enlevé des couches.
J’ai gratté, scrapé, regardé se buller la peinture vieillie sous le produit puissant. Vu se décrépir doucement ces couches anciennes et mornes pour laisser place à tantôt une surprise, tantôt un stratifié décevant.
Voir retrouver leur naturel à ces meubles qui n’ont l’air de rien, qui ont été laissés pour compte dans le détour d’un premier du mois, dans la noirceur d’une veille de vidanges, mine de rien, ça me fait du bien.
J’ai du flair pour ces projets-là. Devenir la Mère Térésa du meuble, est mon aspiration. Oui, ce que vous avez entendu aux Échangistes il y a peu de temps est vrai: je fouille dans les poubelles. Ou plutôt, je reste alerte aux échoueries des bords de rue. Je vois pour ces objets de meilleurs lendemains, une fois passés entre mes mains. Cela dit sans prétention, car n’est pas Annie Sloan qui veut.
Autre façon pour moi de créer, d’inventer, de redonner une valeur aux choses, de les aider à poursuivre leur histoire. Comme une extension de ce besoin de créer en dehors « de ma job » comme je le dis souvent.
En cette journée pleine de soleil et de promesses, j’ai enlevé des couches. Et à chacune d’elles qui s’est retrouvée en ramassis de vieille peinture gluante et boudinée sur la bâche, de l’espace en dedans de moi s’est fait.
Une respiration nouvelle, la cage qui s’ouvre, qui prend sa pleine expansion, à nouveau.
Enlever des couches pour faire de la place. En dedans.
Dans le corps et dans la tête. Un esprit qui respire, ça se peut-tu?
À chacune des surfaces remises à neuf, lavées, libérées de leur poids à la couleur parfois douteuse, il y a le sentiment du devoir accompli bien sûr, mais aussi le sentiment de me livrer moi-même à une sorte de mise à nu.
Un désir de ne plus me mentir, de viser l’authentique, chaque jour plus. De ne plus accepter du flash et de la couleur qui ne me ressemble pas, pour bien paraître, parce que c’est à la mode, parce ce que tout le monde le fait, ou simplement, parce qu’il faut.
Une volonté de ne plus enduire mes paroles de vernis inutilement si c’est pour trahir ma véritable pensée. Même si le brut donne des échardes. Avec le temps, je ferai en sorte de sabler la surface de mes mots pour les rendre plus doux à entendre.
Enlever des couches, qui donnent envie de faire confiance à ma force première, à mon naturel, à mon bâti solide, ancré dans le réel.
Assumerais-je un jour totalement ma surface dépolie et offerte? Démunie d’artifices mais armée d’une confiance nouvelle dans cette nudité mature? C’est à suivre.
Enlever des couches. Découvrir la vraie moi.
Chaque jour un peu plus. Gros programme.
Un projet de décapage à très long terme.
Va savoir pourquoi, ce billet m’a fait pensé à un film aimé d’Agnès Varda – Les glaneurs et la glaneuse. Un documentaire simple, dépouillé, récupéré sur des gens pareils. Une mise en abîme sur une forme de décapage. À voir… Si ce n’est déjà fait.
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