Faire briller mon reflet.

miroir

Dans mon miroir, je vois une femme pas si pire. J’aimerais plus de çi et moins de ça, il est vrai. Mais malgré tout, je m’haïs pas. Je m’haïs pas pantoute.

Je ne suis pas à 100% au top de ce que je voudrais être mais ça ne m’empêche pas de dormir. Ni de manger (!)

Parfois, mon miroir, c’est votre télé. Ça par contre, ça me fait pas toujours triper.

Quand vous me voyez dans la rue, dans la file à l’épicerie et que vous me dites: « C’est donc vrai que la télé donne 10 livres, en vrai t’es toute petiiiiite! » Je ne sais jamais trop comment prendre ça. Toujours du mal à y voir un compliment. Parce que j’existe davantage dans l’oeil public que dans la vraie vie pour vous. Ce qui veut dire que vous me percevez dans la fiction, autrement que ce que je suis dans le réel. Pis moi ben, c’est le réel qui m’intéresse.

Devant de tels élans spontanés de « pas se mêler de ses affaires », je ravale le sacre qui cherche son chemin et me retient à deux mains de faire remarquer à mon interlocutrice (jamais un homme ne m’a parlé de mon poids, que des femmes, pourquoi?) sa repousse plus que due et son bronzage inégal. De quel droit je vous le demande? Parce que je vous appartiens? Non madame, sauf votre respect,  je n’appartiens à personne. Je n’appartiens qu’à mon reflet.

Invariablement, un tel épisode -un peu cocasse, je vous l’accorde- me ramène à l’image que je projette. À mon apparence. À ce que je dégage. Mais aussi à ce que nous demandons aux femmes. Suis-je à mille lieues du modèle véhiculé dans les médias?  Je ne crois pas. Et à bien y penser, j’espère en être loin. Parce que ce modèle, il est mauditement irréaliste. Et vous vous rappelez? Moi, c’est le réel qui m’intéresse.

Néanmoins, le doute s’installe chaque fois. Fragile certitude.

Je me plais à dire que je me sens bien dans mon corps, ma peau. Et j’y crois. Du moins, je me suis fait accroire que j’y croyais. Ah la bonne comédienne que je suis.

Dans l’oeil public, je vieillis, je ride, je double-mentonne. (oui oui) Attention, je ne dis pas que je suis grosse, ni vieille. Ni que j’ai un surplus de poids. Parce que ce n’est pas le cas. Je suis à un 5@7 avec un peu trop de saucisson près d’être pile poil dans mon poids santé. Mais j’y suis. Seulement voilà, comme le dit l’adage populaire: « C’est pas parce qu’on est dans son poids santé, qu’on est pas à 4 livres du bonheur ». 

En écoutant le chapitre Miroir de la très pertinente -et nécessaire- émission radio web Parce qu’on est en 2016, pilotée par  Pénélope McQuade, ça me saute en pleine face: Je pense que je suis trop dure avec moi-même. Que nous le sommes toutes. Seulement voilà, je ne peux même pas blâmer la petite madame de l’épicerie et sa repousse plus que due pour ça. Si je suis trop dure avec moi-même, c’est ben juste de ma faute. Mais un peu de celle de tout le monde aussi. De ce culte de l’image. De cette pression sociale de la perfection. De ces modèles véhiculés qui sont pour la plupart, difficilement atteignables. On s’en sort pas. Je ne cherche pas à qui la faute, je réfléchis tout haut.

Dans cette émission, on discute entre autres de reprise de contrôle de son image (que cette démarche le soit pour soi-même ou pour les autres). Il y est aussi question du décalage, de la différence de perception que les autres ont de nous vs celle que nous avons pour nous mêmes.

Les mots empowerment, acceptation, estime de soi, bien-être, féminisme, équilibre sont bien à la mode, certes. Il me semble cependant qu’on ne les portera jamais trop haut.

« Être la plus vraie possible. » Toujours au micro de Pénélope, Maripier Morin dit aussi: « tout ce qui n’est pas parfait, est parfait dans son imperfection ».  Elle prône l’amour de nos zones dark. Les zones qui dépassent et qui font qu’on est différentes. En l’écoutant, je sens qu’elle essaie de se convaincre davantage elle-même. Mais n’est-ce pas toujours ça au fond? On est donc ben bonnes pour conseiller les autres…

J’ai participé à un livre éclairant de la psy Stéphanie Léonard qui s’appelle  Miroir miroir Vivre avec son corps.  Une bien belle expérience où j’ai senti que ma réflexion et mon témoignage pouvaient faire une différence, si minime soit-elle.

J’étais donc ben fière alors de dire que je me sentais bien dans mon corps, que je n’avais pas de complexes outre mesure, que je ne sentais pas de pression de vieillir devant la lentille, dans l’oeil du public. J’ai peut-être menti. Pas à ma psy, à moi. Toujours en accord pourtant avec ce texte qui consigne mes réflexions sur ce sujet vaste, complexe et simple à la fois, le doute s’installe, suis-je en paix tant que ça avec mon reflet?

« Ton corps, c’est comment tu le projettes » dit la sublissime photographe Julie Artacho qui me croque le portrait de temps à autres.

Ce que je retiens de cet entretien en particulier, c’est que c’est tellement à chacune de faire son chemin. T’es prête quand t’es prête et toutes tes chums ont beau te dire que t’es ben ok, si toi t’es pas prête à t’assumer, personne ne va pouvoir le faire à ta place. Et plus que ça encore, ça ne regarde personne si t’es pas prête ou que tu serais plus prête avec un peu d’aide.

Mais d’entendre ces filles-là (Debbie Lynch-White, Julie Artacho) que j’aime d’amour, dire; voici mon corps, gérez-vous, me donne un sérieux coup de pied là où vous pensez que je pense que vous pensez.  On dirait que d’entendre ces filles donc, ne me permet pas de manquer de confiance. D’angoisser sur mon petit bras mou. De rusher sur ma cuisse que je voudrais donc (par magie, parce que vrai que je vais me faire liposuccionner pour ça) plus slim quand vient le printemps et ses jolies robes courtes.

Tout cela dit, à chacune son tour d’être rendue là. À s’accepter, s’assumer, se prendre en main et tous ces beaux mots là. On ne doit pas juger du peu de temps que met l’une à y arriver vs une autre qui se sent bien seule au combat de l’acceptation.

Pour certaines, c’est le travail d’une vie. J’espère ne pas y mettre tout ce temps cela dit, même si j’aimerais ça vivre vieille.

Je rêve secrètement du jour où je vais me sentir totalement libre et belle, devant mon miroir ou ailleurs.  Que je ferai totalement confiance à ce corps qui est le mien, que je ne jugerai pas trop durement les signes visibles du temps sur lui.  Que je vais aimer mon haut de bras pas tonique, ma cuisse de rétention d’eau, ma peau qui bronze pas, mon oeil plus petit que l’autre quand je suis fatiguée, mon muffin top qui salue quotidiennement le retour des jeans taille haute, libre enfin qu’il est de pouvoir exister parce que caché.  Il est loin ce jour où on me verra à nouveau dans une scène de nudité à la tivi, ehpelay madame, je vous en passe un papier. S’il est vrai que la télé donne 10 livres, imaginez ce que vous y voyez aussi.

Non je n’aime pas entièrement et totalement  ce corps qui est le mien mais je le redis, ça ne m’empêche pas de dormir. Je vis avec ce corps, je n’en prend certes pas assez soin mais je ne le déteste pas, tellement pas. Il porte les signes de la vie, celles que j’ai portées, celle qui passe à travers moi. Je ne peux que l’aimer. Mais le tout n’est pas sans efforts.

Je ride parce que je ris des niaiseries de mes amis et de mes enfants. Parce que je plisse des yeux en regardant direct dans le soleil qui se pointe la face, enfin. Parce que je suis étonnée de tout, curieuse, parce que tout est « ben voyons donc! » et que tout est « wow!« . Parce que je vis ma vie. Du mieux que je peux. Avec ce que je suis.

Et je n’écris pas ce texte pour que vous m’inondiez d’éloges. Même si ça fait toujours du bien. J’écris ce texte parce que je juge nécessaire d’encore et encore en parler. Encore et encore éveiller les consciences partout autour de nous, d’ouvrir la réflexion, poursuivre la discussion.  Il y a tellement de boulot à faire. Pour vos filles, celles de nos amies, mes filleules et les vôtres.

Je me relis et ça sent le potlock. J’en ai donc ben des affaires à dire donc, j’en suis toute étourdie.  L’image, la projetée comme la reçue. Vieillir en accord avec son cheminement, s’accepter comme on est, trouver la force dans nos différences, jeter aux ordures ce double discours hypocrite qui juge le trop comme le pas assez et qui fait que plus personne ne sait sur quel pied danser. Respecter celles qui ne sont pas rendues là où nous le sommes, véhiculer une image qui est saine pour nous, être en paix, sacrer la paix aux autres avec leur corps qu’elles apprennent à aimer…se-faire-sacrer-la-paix.

(Inspire/expire)

Mais au delà de ça, ce que je veux dire au fond c’est que notre reflet dans le miroir n’appartient à aucune autre.

Et de la même manière, personne ne devrait juger de l’effet qu’à sur nous ce reflet. Qu’on aime l’image projetée de nous ou pas. Qu’on lutte avec ou qu’on se trouve donc ben nice qu’on se prend toujours en photo. C’est bien personnel tout ça.

Respectons déjà le reflet des autres. Ça serait un pas pire début.

Même s’il est brouillé par des petits doigts sales.

Même s’il est embué par une douche trop chaude.

Même si on a sacrément le goût de lui envoyer un gros pouch de Windex et une frotte maniaque d’essuie-tout.

Parce que notre reflet dans le miroir, c’est notre double. Notre jumelle identique, notre âme soeur, notre zone d’ombre, notre meilleure amie/ennemie. On doit en prendre un soin jaloux. L’emballer dans du beau papier, le protéger maladivement des regards malveillants et des jugements d’autrui.

Notre reflet est une fenêtre ouverte sur ce que nous sommes au plus profond de nous.

Et le fait qu’elle soit ouverte ne devrait jamais permettre l’envahissement.

Ton miroir, ton reflet pis dans ta cour.

 

 

Le féminin a été utilisé pour alléger le texte. Pas parce que les gars sont lourds-là… En tous cas. 

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